Depuis le 8 décembre 2023, un décret et deux arrêtés (un sur les régions expérimentales et un sur la rémunération) viennent permettre aux infirmiers de certaines régions de signer les certificats de décès à titre expérimental.
Entre nouveautés attendues de longue date et résultat en demi-teinte, le compte n’y est pas pour les infirmiers libéraux … Faisons le point !
Le cadre du dispositif actuel
L’arrêté du 6 décembre 2023 prévoit que les régions expérimentales sont les suivantes :
Auvergne-Rhône-Alpes.
Centre-Val de Loire.
Ile-de-France.
Hauts-de-France.
La Réunion.
Occitanie.
L’URPS infirmière PACA constate que notre région ne fait pas partie des territoires expérimentaux et que les infirmiers libéraux de la région PACA ne peuvent donc pas réaliser dès aujourd’hui les certificats de décès pour leurs patients.
Il est toutefois à noter que la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (dite proposition de loi « Valletoux ») en cours d’adoption au Parlement prévoit l’élargissement de l’expérimentation à l’ensemble du territoire national.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des prochaines évolutions !
Au-delà du fait d’exercer dans une région expérimentale (voir ci-dessus), de nombreuses conditions pour pouvoir réaliser les certificats de décès ont été fixées :
Être inscrit au tableau de l’Ordre.
Être diplômé depuis au moins trois ans.
Avoir validé une formation spécifique, faite en présentiel ou en ligne, d’une durée de 12 heures réparties en 3 demi-journées et comprenant deux modules :
- Un module « épidémiologie et examen clinique du processus mortel ».
- Un module « administratif et juridique ».
Avoir réussi l’évaluation des connaissances proposée en fin de formation afin de s’assurer d’avoir la capacité de constater le décès et de rédiger le certificat de décès.
Être volontaire (la réalisation des certificats de décès n’est pas une obligation).
Se faire connaître comme volontaire auprès du Conseil départemental (ou interdépartemental) de l’Ordre des infirmiers de son lieu d’exercice.
Si l’IDEL rempli les conditions posées et qu’il a fait savoir au Conseil de l’Ordre compétent qu’il était volontaire, l’Ordre l’inscrit sur une liste dédiée.
L’IDEL pourra alors :
Rédiger le certificat de décès d’un de ses patients majeurs après en avoir informé le SAMU ou le médecin traitant et à défaut de médecin disponible (y compris retraité) dans un délai raisonnable.
Être contacté par les services d’aide médical urgente et les services de police ou de gendarmerie pour constater des décès en l’absence de médecin disponible dans un délai raisonnable.
Être contacté par tout médecin traitant qui ne peut se déplacer au domicile d’un patient décédé dans un délai raisonnable.
Attention : les IDEL ne peuvent pas réaliser les certificats de décès dans les cas où il y a des signes ou indices de mort violente, ou d’autres circonstances qui donneraient lieu de le soupçonner. Dans une telle hypothèse, l’IDEL doit contacter le médecin traitant de la personne décédée ou, à défaut, le SAMU.
Au-delà des cas de mort violente, le constat de certains décès peut parfois poser problème (doute …). A ce titre, le décret prévoit que lorsque l’infirmer ne parvient pas à établir seul les causes du décès, il doit faire appel à l’expertise d’un médecin.
Une fois le certificat de décès établi, l’IDEL doit :
S’il dispose de ses coordonnées, informer des causes du décès le médecin traitant du patient décédé.
Transmettre le certificat de décès, sur support papier, à la mairie du lieu du décès.
Informer chaque semaine l’ARS territorialement compétente du nombre de certificats de décès qu’il a établis (s’il en a établi).
Elle est fixée :
Par principe à 42 euros pour les décès survenant entre 8 heures et 20 heures du lundi au vendredi.
Par exception à 54 euros pour les décès survenant :
- Entre 20 heures et 8 heures (tous les jours).
- De 8 heures à 20 heures (dans toutes les zones) le week-end, les jours fériés, les lundis qui précèdent un jour férié ainsi que les vendredi et samedi qui suivent un jour férié.
- De 8 heures à 20 heures dans les zones déterminées comme étant fragiles en termes d’offre de soins par arrêté du directeur général de l’ARS.
Attention : il s’agit d’un forfait global. Les frais de déplacement ne peuvent donc pas être facturés en plus (ils sont compris dans le montant indiqué).
Les insuffisances du cadre juridique actuel : le compte n’y est pas …
Au-delà du fait que la proposition de loi Valletoux quasiment adoptée au Parlement va prochainement venir étendre l’expérimentation à l’ensemble des régions, cette loi va également venir remettre en cause les modalités de rémunération.
Le ministère de la santé aurait gagné en efficacité à publier rapidement le décret et les arrêtés utiles afin de permettre d’initier les expérimentations dès le début de l’année 2023 …
Face à cette lenteur, il en ressort une expérimentation qui ne durera au mieux que quelques mois et qui ne permettra pas de tirer de bilan (donc d’amélioration !) avant sa généralisation complète.
Dans le cadre d’une désertification médicale croissante et de la nécessité de respecter la volonté des patients de rester à domicile y compris jusqu’à leur décès tout en évitant à la famille du défunt des difficultés administratives dans un moment déjà humainement compliqué, l’URPS infirmière PACA considère comme primordial le besoin d’étendre aux infirmiers libéraux la possibilité de réaliser les certificats de décès.
Toutefois, les infirmiers libéraux ne sont pas que des faiseurs de documents administratifs ! Le cadre juridique actuel nie pourtant la dimension humaine et les compétences d’accompagnement des infirmiers libéraux en les relayant à une simple place de constateur, administratif, de décès. Cela entraîne plusieurs conséquences :
- Tous les infirmiers (libéraux, salariés …) sont logés à la même enseigne par le décret.
A ce titre, aucune priorité pour constater un décès n’est réservée à l’infirmier habituel du patient.
Il en résulte que, si ce n’est pas l’infirmier habituel du patient qui découvre le patient décédé, le certificat de décès pourra être réalisé par n’importe quel autre infirmier présent sur la liste tenue par l’Ordre des infirmiers (libéral, HAD …).
Créer une telle concurrence entre infirmiers et nier l’accompagnement offert par l’infirmier de famille dans les derniers instants de la vie d’un patient n’est pas acceptable, qui plus est lorsque le décret aurait pu encadrer l’intervention d’autres infirmiers à l’absence, dans un délai raisonnable, de l’infirmier de famille (comme il l’a d’ailleurs fait pour les médecins) !
Alors que l’OMS invite les pouvoirs publics depuis plus de 20 ans à reconnaître le rôle de l’« infirmier de famille », force est de constater que le ministère de la santé a une nouvelle fois loupé le coche … - La rémunération proposée n’est pas en adéquation avec les compétences requises, le temps et l’investissement qui sera fourni par les infirmiers libéraux dans ce moment difficile pour les familles de patients décédés.
Disons-le clairement, elle est très insuffisante.
Le cadre juridique actuel sur la réalisation des certificats de décès par les infirmiers libéraux ne permet donc pas, une fois encore, la juste valorisation et reconnaissance de notre profession. Sans évolution substantielle du cadre actuel, il ne faudra pas que les pouvoirs publics s’étonnent de la lassitude des infirmiers libéraux, de leur non-adhésion et de l’absence de réussite de l’expérimentation !
Une chose est sûre, l’URPS infirmière PACA poursuivra ses actions auprès de l’ensemble des tutelles et partenaires pour promouvoir et défendre l’exercice libéral infirmier.